99e RI : Le « Royal Deux-Ponts »

Le « Royal Deux-Ponts »

Insigne du 99e RI 1969

S’il est un régiment emblématique dans la région Rhône-Alpes, c’est bien le « 9-9 », le 99e régiment d’infanterie, irrémédiablement attaché à Lyon.

Comme tous les régiments d’infanterie portant un numéro entre le 76e et le 99e, ce dernier a la particularité d’être l’héritier des traditions de deux régiments : le 99e et le 24e d’infanterie légère.

L’histoire du 9-9 débute avec la création, le 1er avril 1757 à Zweibrücken (Palatinat), d’une unité d’infanterie de 2 000 hommes, le Royal Deux-Ponts, levée par Christian IV, duc de Deux-Ponts (1722 – 1775) au profit du roi Louis XV.

En avril 1780, le régiment fait partie du corps expéditionnaire de 5 500 hommes envoyé en Amérique par Louis XVI pour soutenir les Insurgents dans leur combat contre les Anglais. Commandé par le comte Christian de Forbach – Deux-Ponts (1752 – 1817), fils aîné hors mariage de Christian IV, le régiment est un des acteurs décisifs de la bataille de Yorktown (octobre 1781), contribuant ainsi à l’indépendance des Etats-Unis.

Drapeau de la 99e demi-brigade de bataille

 

1789 – 1814

La Révolution de 1789 supprime la dénomination royale de tous les régiments. Identifié initialement sous le numéro 104, le Royal Deux-Ponts se voit finalement attribuer le numéro 99 et perd son statut de régiment étranger. Pendant cette période de troubles, le 99e régiment d’infanterie est régulièrement réorganisé sous différentes appellations : 99e demi-brigade de bataille, 99e demi-brigade de ligne, 24e demi-brigade d’infanterie légère (créée en 1796 et bientôt surnommée « L’incomparable » en raison de ses coups d’éclats sur les champs de bataille). Le numéro 99 disparaît en 1803 mais son histoire se poursuit à travers le 24e régiment d’infanterie légère qui participe à toutes les campagnes napoléoniennes avant de disparaître lui aussi, en 1814.

Acte de naissance du Royal Deux-Ponts

 

1840 – 1913

Le 24e léger est reformé à Rouen en 1840. Transféré à Lyon en août 1854, il change de nom au 1er janvier 1855 pour redevenir le 99e régiment de ligne. Il participe à la campagne d’Algérie (1855-1859), puis à la campagne d’Italie (1860) et à la campagne du Mexique (1862-1863) qui verra le régiment se couvrir de gloire. Il prend part au combat de la Barranca-Seca, encore appelé Aculcingo (18 mai 1862), et à la défense de la ville d’Orizaba en prenant d’assaut le mont Borrego (15 juin 1852) sous la conduite héroïque du capitaine Paul-Alexandre Détrie (1828 -1899) dont une rue de Paris (7e arr.) porte le nom. Ces faits d’armes ont valu au 99e d’être l’un des tous premiers régiments de l’armée française à voir son drapeau décoré de la croix de la Légion d’honneur (1863).

Début 1865 le régiment regagne Lyon. A la déclaration de la guerre de 1870, ses trois bataillons sont stationnés à Aix-en-Provence, à Arles et à Marseille. Transporté en Alsace, le 9-9 participe à la bataille de Froeschwiller, puis à celle de Sedan. Reconstitué dans la région d’Avignon en août 1871, il tiendra garnison à Nîmes, puis à Gap, Embrun, Briançon, Montélimar, Bourgoin, Vienne et Lyon. Il s’entraîne à la manœuvre en montagne pendant deux séjours à Gap et Mont-Dauphin, et participe à la garde des postes de frontière avec l’Italie.

1914-1919

Le 6 août, le régiment quitte ses garnisons de Lyon et de Vienne pour rejoindre la région d’Epinal dans les Vosges. Dès le 15 août le 9-9 participe aux combats meurtriers de Sainte-Marie-aux-Mines. Le 21, après la bataille de Rothau, le régiment se voit contraint de retraiter en direction de Saales. Dans le brouillard, pris entre les feux ennemis et, hélas, amis, le régiment perd son chef de corps, le lieutenant-colonel MARTINET et de nombreux officiers. Malgré une mission ingrate et souvent méconnue, le 9-9 a contribué à la fixation de l’aile gauche allemande, empêchant ainsi l’encerclement de la ville de Nancy.

Appelé dans la Somme où il va opérer pendant dix mois, il perd dès le 25 septembre 1914 son nouveau chef de corps, le lieutenant-colonel ARBEY mortellement blessé à Herleville. Le lieutenant-colonel MARTY lui succède. Sur le front, les positions se figent. A Noël, le régiment fait partie des unités qui fraternisent avec les Allemands. En août 1915, le 99e se retrouve en Champagne et change une nouvelle fois de chef de corps. Le lieutenant-colonel ROUSSELON conduit dès le 25 septembre 1915 une brillante offensive qui permet au régiment d’enfoncer le front allemand de plusieurs kilomètres et de faire de nombreux prisonniers. Ce fait d’armes vaut au 99e une citation à l’ordre de l’Armée et un repos mérité en Haute-Saône.
Fin février 1916, le 99e RI monte en ligne à Verdun. Il est à effectif complet et bien entraîné. Pendant dix mois, il va vivre l’enfer. En avril, il prend position dans le secteur de la ferme de Thiaumont et occupe le Ravin de la Mort. Le 30 avril,     le lieutenant-colonel ROUSSELON, grièvement blessé, est remplacé par le lieutenant-colonel BORNE qui restera en fonction jusqu’à la fin de la guerre. Le régiment est relevé un mois et demi plus tard.

Photo de la célèbre musique du 9-9 prise en janvier 1914

 

Mis au repos dans la région de Bar-le-Duc, il remonte en ligne dans la région de la Woëvre. Le 1er août, à La Laufée, le régiment joue un rôle prépondérant dans l’arrêt de la ruée allemande par la rive droite de la Meuse. Le 99e RI y stationnera jusqu’en février 1917 avant de retrouver la Somme et la région de Saint-Quentin. En mai 1917, il rejoint le Chemin des Dames. Malgré un moral en baisse, il participe brillamment à la bataille de la Malmaison (23-25 octobre 1917). Une deuxième citation à l’ordre de l’Armée vient récompenser ses exploits.

L’attaque générale allemande du 21 mars 1918 au point de jonction des forces françaises et britanniques provoque une brèche au nord de la Somme. Le 9-9 est transporté par voie ferrée dans la région du mont Kemmel en Belgique. Du 16 au 24 avril, il est en première ligne, repoussant les attaques ennemies et interdisant définitivement le passage vers la mer. En reconnaissance de son attitude et de sa bravoure, son chef de corps est cité à l’ordre des armées française et belge en mai 1918.

Le 99e RI rejoint ensuite le secteur de la Montagne de Reims où il contribue à la défense de la ville de Reims (mai 1918). La résistance farouche du 3e bataillon lui vaudra une citation à l’ordre de l’Armée .

Le 12 juin, le 99e est envoyé à l’arrière en Lorraine. Deux mois plus tard, il est de retour en Champagne et participe activement à l’offensive générale du 26 septembre, en particulier dans le secteur des Monts de Champagne. Dans l’Aisne pour son dernier engagement, le régiment va durement combattre jusqu’au 2 novembre.

Peu après l’armistice du 11 novembre, le 99e participe à la marche triomphale vers Metz. Le 1er janvier 1920, il retrouve ses garnisons de Lyon (Fort Lamothe) et de Vienne (caserne Rambaud).

Le régiment a perdu 3 201 hommes au combat dont 88 officiers.

1920 – 1938

Régiment d’infanterie alpine (RIA) depuis 1927, le 9-9 fait désormais partie du secteur fortifié de Savoie avec la 5e demi-brigade de chasseurs alpins. Fin 1938, le régiment commandé par le colonel Albert Lacaze est implanté de la façon suivante : l’état-major, les 2e et 3e bataillons sont stationnés au fort Lamothe à Lyon, le 1er bataillon à Sathonay-Camp et les trois sections d’éclaireurs skieurs en Haute-Maurienne.

Insigne du 99e RIA 1939

1939 – 1940

Le 13 avril 1939, le 99e RIA quitte la région lyonnaise pour la vallée de la Maurienne. En octobre, toute la 28e division d’infanterie alpine, dont fait partie le 9-9, gagne l’Alsace du Nord. Le régiment y perdra 7 hommes.

Patrouille du 99e RIA en Haute-Ubaye prise en janvier 1945. Le 3e en partant de la gauche est le
capitaine de Frondeville, polytechnicien, évadé de la forteresse de Colditz le 17/12/1941,
commandant la 6e compagnie du 99e RIA qui participera à la prise du fort de Roche la Croix le 22/04/1945

Chemin des Dames. L’attaque générale du 5 juin met à mal la ligne de défense de la division. Le 9-9 déplore 30 tués et plus de 150 blessés. Les journées suivantes seront terribles. Le régiment se replie sur l’Aisne mais sous les coups de l’artillerie lourde allemande et les bombardements des Stukas, le régiment se disloque. Le 9 au matin, le chef de corps n’a plus que 400 hommes avec lui. Un autre détachement de 300 hommes est sous les ordres du médecin-chef Stibio alors que trois autres colonnes retraitent de leur côté en direction de Nogent-sur-Seine avec des fortunes diverses.

Au total, seuls un peu plus de 600 hommes sur 3 000 regagneront Lyon sains et saufs. Certains participeront à la bataille de Chambéry (23-24 juin 1940). Les sections d’éclaireurs skieurs (SES) de leur côté effectueront un combat retardateur en Haute-Maurienne, bloquant les Italiens en amont de Modane (20-24 juin).

Bilan des pertes de la Campagne de France : 252 tués dont 16 officiers, environ 500 blessés et 1 500 prisonniers dont le chef de corps. Le régiment est dissous le 31 juillet 1940, donnant naissance au 153e RIA dans le cadre de l’armée d’armistice.


1944 – 1945

Issu des maquis de l’Ain, du Haut Jura, de la Loire et du Rhône, le 99e RIA renait de ses cendres le 16 décembre 1944, par changement de dénomination de la 5e demi-brigade alpine FFI créée deux mois plus tôt. Commandé par le lieutenant-colonel Sury d’Aspremont, le régiment est en position sur le front des Alpes (Ubaye et Briançonnais). Le 22 avril, sa 6e compagnie participe à la prise du fort de Roche-Lacroix. Le 27 avril, le régiment pénètre en Italie pour atteindre Suse et Turin. Le 25 mai, les trois bataillons regagnent la France. Le 9-9 est dissous le 31 octobre 1945. Durant cette deuxième Campagne de France, le régiment a perdu plus de 60 hommes.

1946 – 1997

De 1946 à 1968, tantôt régiment, tantôt bataillon ou encore demi-brigade, le 9-9 est balloté de garnison en garnison : Bourg-Saint-Maurice, Chambéry, Modane, La Valbonne, Sathonay-Camp, Briançon, Uriage.

En juin 1954, il donne naissance au 25e bataillon de chasseurs à pied destiné à la Campagne de Tunisie. En novembre 1954, il met sur pied le 99e bataillon de marche d’infanterie alpine qui part aussitôt en Algérie (Constantinois et Oranais), puis au Maroc. Le 1er octobre 1955, ce bataillon de marche change d’appellation pour donner naissance au 15e BCA.

Carte postale concernant le 2e bataillon du 99e en garnison à Vienne

Dès lors, le « neuf-neuf » de métropole voit son activité réduite à l’instruction des recrues pour l’Algérie et au soutien de la VIIIe région militaire. Le 1er octobre 1968, il change une dernière fois de nom pour redevenir le 99e régiment d’infanterie (99e RI), perdant à cette occasion son rattachement aux troupes de montagne. En 1978, il met sur pied un régiment de réserve, le 299e régiment d’infanterie. De 1982 à 1986, il fournit plusieurs détachements pour le Liban. La Bosnie, en 1992-93, constitue son dernier théâtre d’opérations. Le régiment est dissous fin mai 1997, dans le cadre de la réduction du format de l’armée de terre et de la professionnalisation des armées.

Le drapeau

Son drapeau, décoré de la Croix de la Légion d’honneur (1863), de la Croix de Guerre 1914 – 1918 avec 2 palmes, de la Croix de Guerre 1939 – 1945 avec une palme et de la médaille d’or de la ville de Milan porte la fourragère aux couleurs de la Croix de Guerre 1914 – 1918 et les inscriptions :

          VALMY 1792                        MARENGO 1800                 WAGRAM 1809
LA MOSKOWA 1812          ACULCINGO 1862             CHAMPAGNE 1915
VERDUN 1916                    LA MALMAISON 1917       RESISTANCE AIN JURA 1944

L’Amicale

Les traditions des 99e et 299e RI continuent de vivre à travers l’Amicale Royal Deux-Ponts/99e et 299e R.I. fondée en 1921. Elle a pour objet de favoriser les liens de camaraderie et de solidarité entre ses membres, et de maintenir vivant le souvenir des deux régiments. Elle regroupe aussi une cinquantaine de musiciens, tous anciens de la musique du 9-9, qui animent les cérémonies patriotiques organisées par l’Amicale, dont le ravivage de la Flamme à l’Arc de Triomphe. Basée à Lyon, elle est présidée par le colonel (h) André Mudler, ancien chef de corps du 299e R.I.

Colonel (h) André Mudler et Lieutenant (r) Christophe Soulard

Sources :