114e Régiment d’Infanterie

Le 114e Régiment d’Infanterie, dont l’histoire reste intimement liée au département des Deux-Sèvres, en particulier à Saint-Maixent-l’Ecole, peut s’enorgueillir de s’être illustré sur de nombreux champs de batailles, de la Révolution à la Première guerre mondiale.

Avant sa création en 1795, de nombreux régiments avaient occupé le 114e rang ou porté le numéro 114 : Le régiment de Perri (Corse) entre 1706 et 1715, celui des Landes (1715-1749), le Royal Pologne (1749-1757) ou encore Horion (1760-1762). La 114e Demi-Brigade est officiellement créée le 4 Floréal an III (23 avril 1795). Il participe sous les ordres du général Moncey  à la bataille d’Espagne. La péninsule ibérique ayant déclaré la guerre à la France révolutionnaire dès 1793.

Campagne d’Espagne
Dissout le 29 septembre 1798, il revient sous l’appellation de 114e Régiment d’infanterie de ligne le 30 août 1808. Réquisitionné pour endiguer la révolte du peuple de Madrid, le 114e commence par subir de lourdes pertes. Il remporte néanmoins la bataille de Tudela (novembre 1808) au cours de laquelle il prend 7 drapeaux, 30 pièces de canon, fait prisonniers 12 colonels, 300 officiers et 3000 soldats. S’illustrant au siège de Saragosse (décembre 1808-février 1809), le 114e reste en garnison à Saragosse sous les ordres du Colonel Arbod.

Il compte alors 1627 hommes et fait partie de la 2e division du général Musnier.  Il participe ensuite à de nombreuses campagnes et opérations militaires et de maintien de l’ordre en Espagne. Ainsi, on le  retrouve devant Alcañiz, le 23 mai 1809, face à l’armée espagnole qui force les troupes françaises à se retirer. Les hommes du 114 participent vaillamment aux combats de Maria (15 juin 1809), de Belchite (18 juin 1809), de  Lérida (mars-avril 1810), de Mequinenza (juin 1810), de Tortose (janvier 1811), de Tarragone (mai-juin 1811) , de Mont-Serrat (juillet 1811), de Sagonte, etc.

Entre 1808 et 1814, le 114e est présent à plus de 30 batailles ou combats importants, coopère à 11 sièges et donne sept assauts. Pas moins de douze officiers ou soldats de ses rangs sont cités à l’ordre de l’armée…Quatre noms figurent sur son drapeau : Saragosse, Mont-Serrat, Lérida, Sagonte.

Dissolution et renaissance
Sous la première Restauration, l’ordonnance royale du 12 mai 1814 réduit le nombre des régiments d’Infanterie de ligne à 90 et celui des régiments d’Infanterie légère. Les 111 régiments de ligne de l’Empire deviennent les 90 nouveaux. Les régiments portant les numéros 112 à 156 sont incorporés dans les autres. Ainsi le 1er bataillon du 114e est incorporé dans le 5e de ligne ; le 2e bataillon dans le 10e de ligne ; le 3e bataillon dans le 41e ; les 5e et 6e  furent incorporés dans le 56e de ligne. Autrement dit, le 114e est dissout.

Le 114e RI renaît sous l’appellation du 14e régiment de marche, créé le 16 août 1870 à Rueil. Fort de 54 officiers et de 2776 hommes, il est placé sous les ordres du lieutenant-colonel Vanche. Il rejoint l’armée de Mac-Mahon sur le front de l’Est et se heurte violemment aux armées prussiennes. De retour à Paris en septembre 1870, il s’installe au sud de Paris, sur une ligne Vanves-Montrouge.

Il participe au siège de Paris contre les Prussiens (30 septembre), effectue une reconnaissance offensive sur Châtillon le 13 octobre au cours de laquelle le lieutenant-colonel Vanche est grièvement blessé à la tête de ses troupes. Pour cette action, le 14e de marche est récompensé de deux citations à l’ordre de l’armée, de quatre croix de chevalier de la Légion d’honneur et de treize médailles militaires !

Par décret du 28 octobre 1870, le 14e de marche reprend, à compter du 1er novembre, sa dénomination de 114e RI. Il poursuit le siège de Paris, participe à la bataille de Champigny (30 novembre-2 décembre)  où l’on se bat au corps à corps.  Huit officiers et trente-cinq hommes de troupes sont blessés.

Colonel BOULANGER
En cette fin d’année 1870, l’état des troupes françaises est tel qu’il faut réorganiser l’armée. Le 5 décembre, le 114e RI est informé qu’il appartient désormais au corps de réserve de la 2e armée sous les ordres du général Faron.

Le 21 décembre, le Régiment prend part à la bataille du Bourget, avant d’occuper Bobigny en janvier 1871 et d’être cantonné en baraquement sur le boulevard Rochechouart. Le 27 janvier, le lieutenant-colonel Georges Boulanger (futur ministre de la Guerre) est promu colonel et devient chef de corps du 114e.

Le lendemain, 28 janvier, l’armistice est signé. La bataille de Paris prend fin.

Caserné au Prince-Eugène, le 114e est employé à établir un cordon de sécurité entre les rues de Rivoli, la place des Ternes et le faubourg Saint-Honoré, puis rejoint Versailles le 19 mars où malgré quelques défections (nous sommes en pleine période insurrectionnelle avec la Commune de Paris), il affirme son dévouement à l’Assemblée nationale en place.

Le 114e est alors désigné pour marcher au premier rang contre les insurgés qu’il défait notamment à Bougival, à Clamart, Bourg-la-Reine et Cachan.

Le 22 mai, le colonel Boulanger entre dans Paris sans rencontrer de farouche opposition ni de forte résistance.  Il déloge quelques maisons d’insurgés, dégage le carrefour des Quatre-Chemins (rue d’Alésia), reprend possession de la place d’Enfer (aujourd’hui Denfert-Rochereau) et du Panthéon (24 mai). C’est au cours de l’assaut contre les insurgés retranchés au Panthéon que le colonel Boulanger est blessé, ce qui lui vaut d’être promu commandeur de la Légion d’Honneur.

Le 2 septembre 1871, le 114e qui a participé au cours de l’été au désarmement de Villejuif, Gentilly et Ivry, reçoit l’ordre d’occuper les baraquements du Champ-de-Mars.  Le 14 décembre 1871, le colonel de Bonnet de Maureilhan de Polhès remplace le colonel Boulanger à la tête du 114e.

Campagne de Tunisie
Au cours des années suivantes, le valeureux régiment stationne un temps à Satory avant d’être de nouveau disloqué. L’état-major et les différents bataillons se retrouvent éparpillés à travers la France : Châlons, Sedan, Montmédy, Bressuire, Châtellerault, Parthenay, puis Thouars, Saint-Maixent…

Le 1er février 1878, le 114e occupe les garnisons suivantes : l’état-major et deux bataillons stationnent à Saint-Maixent ; un bataillon, une section et le dépôt sont à Parthenay. Enfin, il fournit un bataillon pour le Gouvernement militaire de Paris. Le 14 juillet 1880, le Régiment reçoit son nouveau Drapeau à l’occasion du 14 juillet.

Peu après l’installation provisoire de l’Ecole d’infanterie à Saint-Maixent, le 114e participe activement, entre le 22 juillet 1881 et le 23 février 1883, à l’expédition de Tunisie.

Son chef de corps, le colonel Durrmeyer y envoie le 2e bataillon, vite renforcé par 192 autres hommes venus de Saint-Maixent. Sa mission : mettre en état de défense la position de Foudouck contre des bandes de pillards et de maraudeurs. Après la signature du traité avec le Grand Bey, le 114e RI quitte Foudouck le 10 octobre et rejoint Tunis. Quelques compagnies prennent position aux avant-postes de la ville. En février, le 114e rentre en métropole, une partie à Romainville, l’autre à Noisy et Rosny.
En juillet 1883, la garnison de Bressuire est supprimée et le 114e rentre à Saint Maixent.

Grande Guerre
Quand éclate la guerre de 1914, le 114e RI qui prend pour devise « Peur ne connaît, mort ne craint », est rattaché à la IIe armée (ou armée de Lorraine). Mobilisés du 3 au 5 août, les hommes se rendent à Laneuvelotte (Meurthe-et-Moselle) où le premier des leurs tombe le 23 août.

Tous participent activement à  la bataille de la Marne. Les Allemands tentent une percée fin septembre et le 114e les repousse. Mi-octobre, le Régiment est relevé et part en Belgique où il subit, dans le secteur d’Ypres, d’importantes pertes : 180 morts et 420 blessés. Relevé en  avril 1915, le 114e retrouve la France et l’Artois où l’offensive allemande décime encore les rangs. Entre le 9 et le 10 mai 1915, on compte 150 morts, 460 blessés et 810 disparus.

Le 20 juin, le 114e est mis au repos et reprend le combat à Neuville-Saint-Vaast où il remplace le 125e RI.  Il part ensuite relever une brigade britannique à Loos. En 1916, il participe à la bataille de Verdun. Il tient la cote 304 du 5 au 8 mai, au prix fort : 130 morts, 510 blessés et 83 disparus, en seulement 72 heures ! En récompense, il obtient une citation à l’ordre de l’armée et entre dans la légende.

Lourd tribut
Les soldats du 114e participent en 1917  aux campagnes de Champagne et Lorraine dans le secteur du mont de Sapigneul. Il relève les 150e et 161e RI. Il subit de lourdes pertes : 115 morts et 345 blessés. Il s’installe  ensuite en août 1917 en forêt de  Parroy (Meurthe-et-Moselle), un secteur moins exposé qu’auparavant.

Début 1918,  le régiment quitte Parroy et rejoint Grivesnes (Somme). Mis en alerte, le 114e participe aux terribles combats de Méry (Oise).  Pendant trois jours, (11, 12, 13 juin 1918), les soldats du 114e opposent une vive résistance aux troupes ennemies qui sonnent six fois la charge dans la seule journée du 13 juin. Dans la nuit du 13 au 14, le Régiment est relevé. Ses pertes sont considérables : 650 hommes, dont 24 officiers.

Ce fait d’armes lui vaut la Croix de guerre : « le Vert inoubliable des blés du 11 juin et le rouge, celui du sang qui les a teints », dit le Général Mangin. Le 114e participe activement aux campagnes qui vont libérer le territoire. Tenu quelques temps en réserve, il remonte au front le 17 octobre 1918. Quand l’armistice retentit, les hommes du 114e sont au repos à Féron (Nord) et procède à l’inhumation d’un soldat tombé dans les derniers combats. La guerre a coûté au Régiment 3937 tués : 91 officiers, 250 sous-officiers et 3596 militaires du rang.

Dissolutions
Le 31 août 1919, le 114e fait son retour triomphal à Saint-Maixent.

 En 1923, le Régiment est dissout, avant d’être reconstitué en mi 1940 au camp de la Courtine à partir de diverses unités en retraite, notamment issues du 13e zouaves et des instructeurs de l’Ecole militaire de Saint-Maixent.  De nouveau dissous le 18 juin 1940, il est recréé le 1er octobre 1944 à partir des maquis de la région de  Niort, il est dissout le 21 octobre 1945. Une nouvelle fois recréé en 1979 comme régiment de mobilisation, il est définitivement dissous en 1997. Le drapeau du 114e, régiment de tradition des Deux-Sèvres, est aujourd’hui conservé par le Musée de l’Armée.

LTN (r) Christophe Soulard

Sources :
– « Historique du 114e régiment d’infanterie », rédigé par ordre du colonel Bertrand, par le capitaine M.-J. Bertaux. 1892.
– « Le Choc de 1914 » – Kocher-Marboeuf et Azais Geste Editions
– « La longue marche du 114e R I », QUIVRON D. Atelier d’impression de Saint-Maixent, 1980.