Article émanant de l’Ecole d’Application de l’Infanterie
Qu’est-ce que la contre rébellion ?
L’évolution du contexte stratégique fait que les affrontements absolus ont cédé la place à de brèves fractions de guerre assorties de manœuvres de contrôle et d’influence.
Les forces terrestres sont ainsi soumises à une véritable rupture tactique ; gagner la guerre est désormais maîtriser le milieu au sein duquel elles sont engagées.
Elles peuvent alors se trouver en situation d’avoir à mener simultanément des actions de force contre des bandes armées, de sécurisation contre des protagonistes divers y compris les foules et d’assistance de populations.
Si ces deux dernières sont celles les plus fréquemment conduites par l’armée de Terre, la menace asymétrique – caractéristique des engagements les plus probables – peut s’organiser pour mener une véritable lutte armée. Un mode d’action adapté est alors nécessaire : il s’agit de la contre rébellion.
Les caractéristiques de la menace irrégulière.
Cette lutte armée peut prendre deux configurations qui sont réunies sous le terme de rébellion : la guérilla et le mouvement terroriste. Usant de procédés de contournement face aux modes d’action des forces régulières, les bandes rebelles se structurent à cet effet par rapport au milieu, et en particulier, par rapport à la population qui constitue pour elles un enjeu majeur.
Dans la première configuration, l’organisation rebelle cherche à contrôler la population dont elle attend un soutien. Dans la seconde, le modèle est fondé sur une organisation clandestine qui profite des facilités du monde urbain pour exploiter les ressources matérielles et humaines qu’il possède.
La rébellion cherche donc à impliquer les populations, que ce soit en tant qu’acteur ou victime et simultanément, à la gagner pour tout ou partie à sa cause.
Les modes d’action des forces régulières en contre rébellion
Cette dépendance de l’organisation rebelle par rapport au milieu met en exergue l’importance pour les forces régulières de maîtriser les espaces physiques et humains du théâtre d’opérations.
C’est pour cela que l’enjeu de la lutte contre une rébellion est la population et que l’action de l’infanterie est déterminante par le contact privilégié et le contrôle du terrain qu’elle peut assurer.
Le premier rôle de l’infanterie en contre rébellion est donc sa contribution à l’action directe sur les populations pour accroître leur sécurité et mettre en place les conditions favorables au démantèlement de l’organisation armée. C’est l’objectif du quadrillage de l’espace physique.
- Le quadrillage opérationnel
Le dispositif de quadrillage doit être limité à son objectif majeur : la population et sa sécurité. Il doit donc permettre aux troupes de maintenir un contact prolongé avec les populations, de gagner leur confiance et d’accroître les sources d’informations. L’action consiste alors à assurer l’ordre public et la sécurité générale en préservant des bandes armées les zones quadrillées et en extirpant l’organisation qui s’y est infiltrée.
De tels objectifs impliquent une aptitude aux actions débarquées, coordonnées au plus petits échelons et dotées d’un éventail de ripostes et de savoir faire urbains que détient essentiellement l’infanterie. Les procédés qu’elle met en œuvre sont la protection de points sensibles, des populations, le contrôle de zone et de foules, la surveillance et la mise en œuvre de mesures de couvre-feu, le bouclage et le ratissage de secteurs hostiles. Ils s’accompagnent d’actions dynamiques destinées à restreindre la liberté d’action des activistes, telles que les actions ponctuelles de contrôle et celles de recherche ou de fouille.
La lutte proprement dite contre les rebelles armés est alors réalisable. Il s’agit d’instaurer une pression dissuasive en dehors des zones contrôlées par des ripostes ciblées.
- L’instauration d’une pression dissuasive dans les zones de refuge rebelles
L’action de lutte contre les rebelles repose sur une posture essentiellement offensive qui consiste à adjoindre au quadrillage des moyens capables de détruire ou au moins de neutraliser les forces rebelles.
Le second rôle de l’infanterie résulte alors de sa polyvalence due à une présence continue et une mobilité permanente, si nécessaire, par la troisième dimension. De cette manière, le recueil du renseignement et l’intervention sont favorisés et aboutissent à cerner les zones de refuge rebelles. Leur recherche est d’autant plus importante que l’efficacité des engagements ne repose que sur la qualité des renseignements.
La pression dissuasive qui s’ensuit, s’exerce encréant l’insécurité sur le terrain même de l’adversaire. Les procédés consistent à découvrir l’adversaire et à le fixer, le détruire (notamment par l’action d’unités d’intervention ou d’appuis aéroterrestres), et empêcher la reconstitution de son potentiel en armement et en hommes. Les résultats sont ensuite exploités soit en profitant localement de l’affaiblissement des capacités adverses pour rallier la population et atteindre ainsi l’organisation qui ravitaille et renseigne les rebelles ; soit en privant la rébellion du bénéfice d’un terrain qu’elle domine.
Pour répondre à ces objectifs, le format que doivent adopter les unités afin d’être à la fois aptes à mener les missions de protection et suffisamment puissantes et souples pour mener les tâches multiples imposées par la rébellion, est celui du GTIA à dominante infanterie doté de moyens autonomes d’appui aéroterrestre et de soutien. Il peut aussi disposer de renforcement en capacité de renseignement et d’influence. Néanmoins, cet accroissement des compétences et des équipements est à concilier avec les capacités de commandement et de coordination du chef tactique.
En conclusion, l’infanterie en contre rébellion possède des capacités propres développées selon des procédés anciens qui retrouvent toute leur pertinence.
Enfin, le rôle majeur du renseignement et la nécessité de disposer d’appuis pour contraindre, contrôler et influencer, mettent en exergue la complémentarité indispensable des effets à obtenir par une manœuvre globale. Elle repose sur une mise en cohérence de tous les acteurs, militaires ou non, dans la logique de l’objectif politique recherché.
COL Philippe COSTE
Chef du bureau engagement
Division Doctrine
Centre de Doctrine et d’Emploi des Forces
Bibliographie du CDEF :
FT01 Gagner la bataille, conduire à la paix
FT02 Tactique Générale
TTA 808 tome III
Doctrine des forces terrestres en stabilisation
Doctrine de contre rébellion (en cours)