Témoignage du Lieutenant (r) SOULARD
Le lieutenant (R) Christophe Soulard a participé, au sein d’un détachement du Groupement d’information opérationnelle (GIO), unité rattachée au Commandement des forces terrestres (CFT) à Lille, du 17 juin au 14 octobre 2008, à l’opération de l’Union européenne au Tchad et en République centrafricaine : Eufor Tchad/RCA. Une expérience aussi inoubliable qu’enrichissante.
C’est le 28 janvier 2008 que l’Union Européenne a décidé de lancer l’opération Eufor, opération militaire de transition dans l’est du Tchad et le nord-est de la République centrafricaine, conformément au mandat figurant dans la résolution 1778 (2007) du Conseil de Sécurité de l’ONU.
L’opération Eufor Tchad/RCA a atteint sa capacité opérationnelle initiale (COI) le 15 mars 2008. C’est aussi à cette date que le GIO a contacté le lieutenant Soulard pour occuper le poste de Chief of production and development cell (PDC Chief), chef de la cellule production et développement au sein du détachement à Abéché.
Désignation
Un chef d’entreprise compréhensif, qui fait de l’engagement au sens global une vertu cardinale, a permis au lieutenant Soulard, journaliste dans le civil, de prendre quatre mois de congés sans solde. Il a fallu ensuite négocier avec l’unité d’origine, l’Ecole nationale des sous-officiers d’active (ENSOA) de Saint-Maixent-l’Ecole, l’autorisation d’être détaché auprès du GIO et d’effectuer cette Opex. Une fois le message de désignation arrivé, direction le Groupement de transit et d’administration du personnel isolé (GTAPI) à Rueil-Malmaison pour percevoir les effets adaptés au climat. Ce fut l’objet d’un premier contact avec le détachement du GIO au sein duquel le lieutenant allait passer quatre mois.
Coupeurs de route
Arrivé à N’Djamena le 17 juin au soir puis transféré à Abéché trois jours plus tard, le groupe du GIO s’est vite familiarisé au climat, aux populations, et à la mission. Composé de sept Français, auxquels ont été adjoints deux Autrichiens, le détachement avait pour objectif de faire accepter et promouvoir la présence de l’Eufor auprès des autorités et des populations locales, tout en participant à la sécurisation de cette zone en proie à une instabilité chronique. En effet, les rivalités ethniques ravagent l’Est du pays.
La saison des pluies, qui cette année a eu du retard, a aiguisé les appétits des coupeurs de route et de troupes armées non identifiées, toujours promptes à attaquer un village pour voler récoltes et bétail. Le détachement du GIO au sein de l’Eufor, placé sous le commandement du général Jean-Philippe Ganascia et l’autorité du LCL Pierre-Marc Bigot, a stationné quelques mois au camp Croci, affecté en priorité aux Éléments français du Tchad (Épervier) avant de rejoindre, à la mi-octobre le Camp des étoiles.
Faciliter le contact
Le quotidien d’un PDC Chief est consacré à la conception, la réalisation et au suivi de la diffusion des produits destinés à diffuser de l’information à la population locale. Ces produits peuvent prendre différentes formes selon le type de population ciblé : tracts présentant les différentes composantes de la force Eufor et leur matériel, des cadeaux protocolaires de différents niveaux pour faciliter les contacts avec les autorités locales, des produits vidéo à diffuser lors des ciné-brousse réalisés sur le terrain. Tous ces produits notamment conçus en lien avec la cellule analyse, devaient recevoir l’imprimatur du chef de détachement et celui du Force commander, le général Ganascia, avant d’être mis en exploitation et diffusés.
L’écueil majeur rencontré lors de cette mission a été de s’adapter à l’absence de moyens techniques tels qu’on peut le concevoir dans la vie occidentale : Abéché ne disposait pas d’imprimerie permettant de réaliser rapidement de nombreux tirages (y compris plastifiés), de même qu’aucun fournisseur local n’était en mesure de pourvoir à une commande de T-Shirts ou de montres (cadeau protocolaire) estampillés Eufor. Pour raccourcir au maximum les délais, il importait donc de se rabattre sur des prestataires basés soit à N’Djamena (à deux heures de Transall) soit … à Paris. Il a aussi fallu composer avec quelques coupures d’électricité, les tempêtes de sable…
Dissuader
Parmi les nombreux temps forts de cette mission de quatre mois, l’opération Atria n°3 a été, sans conteste, la plus intense. Son objectif : assurer une présence militaire permettant de dissuader les troupes armées non identifiées de s’en prendre aux populations civiles. Déjà missionné à Birao (République Centrafricaine) et au Sud de Farchana (à l’Est du Tchad), le détachement du GIO a activement participé à cette mission de dix jours qui couvrait une vaste zone au Nord/Nord-Ouest de Farchana, entre cette localité et celle de Goz-Beïda.
Objectifs du détachement du GIO : participer la sécurisation de la zone et promouvoir l’action de l’Eufor. Une impérieuse nécessité quand on sait que la veille de l’arrivée des troupes Eufor, trois bergers de la tribu Maba ont été tués et un autre grièvement blessé par des hommes armés appartenant manifestement à une tribu concurrente qui sont repartis avec leur bétail (450 vaches, moutons et chèvres). Plus concrètement, l’équipe d’une dizaine d’hommes a sillonné toute la zone en allant au contact de la population, avec l’aide de deux interprètes. Elle a parcouru la vaste aire d’opération, à la rencontre des tribus locales très friandes d’échanger avec les militaires européens.
Ces rencontres ont été l’occasion de tester, grandeur nature, l’impact de nos produits, en particulier les tracts (trifolds) de présentation de la force ainsi que les vidéos diffusées pendant les ciné-brousse, avant la projection du film de la soirée (1). Ces dernières ont atteint leur objectif : montrer que l’Eufor s’implante dans l’Est du Tchad et le Nord-Est de la RCA avec l’autorisation des chefs d’Etats, les présidents Idriss Deby et François Bozizé ; que la présence des troupes militaires polonaises à Iriba, irlandaises à Goz-Beïda et françaises à Farchana, assure la sécurité et la tranquillité de la zone ; que ces troupes permettent également l’acheminement de l’aide humanitaire et enfin que l’Eufor a les moyens techniques et humains de prévenir et contrer toute intrusion inadéquate sur sa zone de contrôle.
Il n’était pas rare de voir des villages entiers effectuer plusieurs heures de marche pour assister aux soirées cinéma. Ainsi à Troan, près de Gouroumba, ce ne sont pas moins de 1.500 Tchadiennes et Tchadiens qui ont découvert pour la première fois de leur vie, le grand écran.
Cohésion du groupe
Rares ont été les temps morts au cours de cette Opex menée tambour battant. Quelques moments de détente ont tout de même permis de visiter lors de journée Day-off (le dimanche) quelques curiosités locales : l’ancien palais des sultans du Ouaiddaï, les marchés locaux très riches en couleurs et en épices, les superbes paysages du sud du Tchad…
Malgré la chaleur ambiante et permanente, les activités sportives n’ont pas été occultées. Elles ont permis de renforcer la cohésion du groupe. Elles ont, concurremment aux activités opérationnelles, permis de faire primer les compétences sur le statut de réserviste. Pour un réserviste, « l’honneur de servir aux côtés de nos camarades d’active constitue un signe de reconnaissance de notre travail« , conclut le lieutenant Soulard.