Saint-Cyrien de la promotion « GRANDE ARMEE » (1981-1983), le colonel Olivier Salaün a choisi de servir dans l’Infanterie depuis sa sortie de l’Ecole Spéciale Militaire. Officier parachutiste, il a commandé le 1er Régiment de Chasseurs Parachutistes de PAMIERS de 2003 à 2005. Il est directeur des études et de la prospective à l’école d’application de l’infanterie depuis l’été 2005.
L’infanterie se situe aujourd’hui au cœur des engagements terrestres. Articulée principalement autour de vingt régiments homogènes et polyvalents, elle est la seule sous-fonction opérationnelle capable de contrôler le milieu dans la durée ce qui lui confère une place de choix dans les opérations actuelles et vraisemblablement dans celles de demain.
Parallèlement à ce rôle central joué au niveau opérationnel, l’infanterie va connaître à partir de 2008 une mutation sans précédent. Sur deux années se concentreront la mise en service du système combattant FELIN, l’arrivée du véhicule de combat de l’infanterie VBCI, la poursuite de la numérisation de l’espace de bataille, le choix d’un nouveau système antichar moyenne portée en remplacement du MILAN sans oublier de nombreux équipements variés et modernes.
Cette modernisation des systèmes ne doit en aucun cas s’inscrire dans une logique purement technologique mais bien préserver et réaffirmer le rôle central de l’homme qui constitue le pivot de notre système d’armes. La capacité des unités d’infanterie à recruter les spécialistes dont elles ont besoin représente un défi et un enjeu majeurs pour les années qui viennent. La spécificité profonde de son métier fera du fantassin un combattant vraiment à part sachant allier modernisme et rusticité. Au plan technologique, cinq sous-fonctions majeures caractériseront désormais les différentes capacités détenues par les unités d’infanterie modernes. Combinées efficacement elles apportent aux fantassins débarqués des capacités intrinsèques et un environnement redoutable leur permettant d’être encore plus performants et adaptés aux exigences des engagements futurs. C’est donc à travers ce prisme à cinq facettes que se décline l’infanterie des années 2010.
Des capacités d’agression sélectives et graduées
Disposant des capacités d’appui feu performantes du canon de 25m/m du VBCI, équipé majoritairement du FAMAS surbaissé et optimisé au niveau des optiques de tir, mettant en œuvre dès sa formation initiale les techniques de l’IST-C, le fantassin de 2010 constituera un redoutable combattant individuel qui trouvera dans la combinaison des armements du groupe de combat un facteur multiplicateur des effets des armes.
La capacité anti-personnels sera développée par le renouvellement différencié du parc des tireurs d’élite et de précision, l’augmentation des capacités d’appui de la section d’infanterie débarquée sera accrue avec la mise en place de fusils mitrailleurs supplémentaires puis le remplacement des MINIMI dans les groupes.
Possédant avec la rénovation du complexe Symphonie, l’exploitation optimale des complexes vert et bleu du CEITO et la mise en service des champs de tir urbains du CENZUB des infrastructures de tir collectif de haut niveau, l’infanterie sera en mesure par la conjonction de moyens de simulation en garnison et de champs de tir valorisés d’accroître son efficacité en pratiquant une politique de tir ambitieuse centrée sur la rentabilisation du premier impact et intégrant désormais la simulation de façon incontournable.
La capacité d’appuis de proximité de niveau compagnie et bataillon sera renforcée avec le choix d’un nouveau missile antichar moyenne portée en remplacement du Milan.
Les appuis indirects bénéficieront du maintien d’une capacité autonome d’appui mortiers de 81 tout en recherchant systématiquement l’intégration d’une batterie de mortiers lourds numérisés au sein des GTIA.
Dotée de nouveaux armements performants, aptes à graduer les effets des armes tout en cherchant en permanence à maintenir la violence au plus bas niveau et à contrôler les effets collatéraux, les unités d’infanterie s’imposeront comme des acteurs incontournables des futures opérations aéroterrestres.
Une mobilité tactique conservée et mieux adaptée
La manœuvre d’infanterie a pour objectif d’amener au plus près de l’objectif et sous blindage les unités afin de s’engager au contact et in fine délivrer des feux. Dans ce domaine le VBCI apportera ses atouts de mobilité opérative mais aussi tactique qui lui permettra de s’engager au rythme des unités Leclerc dans tous les types de scénarios.
L’acquisition prochaine de véhicules haute mobilité à hauteur d’un GTIA montagne pour la brigade de montagne et deux SGTIA pour les brigades légères blindées permettra à ces grandes unités de disposer d’une capacité adaptée leur offrant des possibilités de manœuvre sous blindage dans les terrains difficiles que représentent la moyenne montagne et les zones littorales.
Limité à vingt-cinq kilos en ordre de bataille (incluant les munitions, l’alimentation, l’eau, les batteries et ses impedimenta) le poids total du système combattant ne dépassera pas celui du fantassin actuel. Modulaire, compatible avec les différents modes d’acheminement dont la troisième dimension, le système combattant permettra au fantassin débarqué de s’engager dans toutes les conditions et sous toutes les latitudes avec une mobilité individuelle et collective de bon niveau.
Mieux adaptée aux différents terrains possibles, alliant vitesse et autonomie en véhicules de combat, l’infanterie prochaine conservera, sous réserve d’exiger de ses hommes une solide condition physique et la continuité de leur aguerrissement une vraie capacité de déplacement terrestre en dispositions de combat.
Une survivabilité conforme aux engagements d’aujourd’hui
La protection du combattant est de nos jours une exigence forte et mérite qu’on y consacre les moyens adaptés. Dans ce domaine tant le blindage du VBCI que la revalorisations du VAB permettront de mieux protéger le fantassin embarqué face à la mitraille du champ de bataille. Il pourra ainsi être amené au plus près de sa zone d’engagement à l’abri des coups. La mise en place d’armement de bord téléopéré sous tourelleau constitue également une solution potentielle pour la protection des servants d’armes de bord des véhicules de combat. A l’instar de la plupart des unités d’éclairage et d’appui déjà dotées du véhicule blindé léger (VBL), les CEA des brigades légères jusqu’ici équipées de P4 ne seront pas oubliées puisque la mise en service du petit véhicule protégé (PVP) leur apportera enfin le minimum de protection souhaitable dans leurs missions bien spécifiques.
Une fois débarqué le port de la combinaison FELIN offrira à notre fantassin une protection balistique et NRBC complétée par un camouflage passif intégré. Toutes ces avancées augmenteront ainsi sa protection et ses chances de survie dans un environnement hostile. La résistance aux facteurs météorologiques ne sera pas oubliée car les collections FELIN permettront de s’adapter aux différents climats que le fantassin déployé sur tous les théâtres ne manquera pas de rencontrer. Mieux protégé dans ses mouvements à roues sous blindage et dans ses déplacements tactiques sur le terrain, notre fantassin verra sa survivabilité accrue, gage d’une plus grande efficacité terminale.
Des capacités d’observation tous temps et haute technologie
Avec l’arrivée du système combattant FELIN, le fantassin de 2010 disposera individuellement de moyens d’observation propres adaptés à son armement individuel. La technologie lui permettra également d’enregistrer puis de transmettre ses observations vers le haut. Parallèlement les chefs de groupe et de section seront dotés de moyens sophistiqués tout temps leur permettant une observation de qualité en complément des capteurs que constituent les fantassins débarqués. Le volume d’infanterie débarquée couplée aux performances des moyens de dotation organiques fera de la section d’infanterie un capteur performant ce qui lui permettra d’une part d’assurer sa sûreté rapprochée avec efficacité mais aussi de s’intégrer dans la chaîne plus générale de recherche du renseignement.
La tourelle du VBCI sera dotée de périphériques performants tant dans l’aide au tir que dans l’observation. Ainsi le moyen d’observation polyvalent (MOP) et les dispositifs de télémétrie du tireur conféreront à l’équipage une excellente vision panoramique en mouvement ou en appui des troupes débarquées.
Dès 2008 les drônes pourraient faire leur apparition au sein des régiments d’infanterie. Simples d’utilisation et de mise en œuvre ils devraient permettre désormais permettre aux GTIA de voir au-delà de la ligne de crête et donc de procurer au chef tactique un temps d’avance grâce à une meilleure connaissance de sa zone d’intérêt.
Enfin un certain nombre de capteurs pourront venir compléter les dispositifs statiques des sections à courtes ou moyennes distances, permettant ainsi une couverture passive de zones d’approche et la surveillance à distance de points clés du terrain contribuant ainsi à la sauvegarde des dispositifs et à la prise d’ascendant dans la manœuvre tactique (couplage éventuel en boucle courte avec un lanceur).
Capteur polyvalent par excellence compte tenu des capacités d’observation de ses hommes répartis sur le terrain, des capteurs périphériques nouveaux dont elle sera équipée l’infanterie tiendra une place de choix dans le dispositif de renseignement de contact en coercition et encore plus en maîtrise de la violence par sa capacité à s’attacher la confiance des populations.
Un environnement de communication numérisé et polyvalent
Chaque combattant individuel disposera désormais d’un moyen de communication lui permettant de s’inscrire dans le réseau de sa cellule d’appartenance. La souplesse d’emploi et les nombreuses reconfigurations possibles des réseaux tactiques offriront une réelle plus-value opérationnelle selon les types d’engagement. L’évolution des techniques de compression amènera désormais la capacité de transmission de données (TD) jusqu’au fantassin qui sera en mesure grâce à l’électronique de son système FELIN de faire parvenir aux échelons supérieurs des images de sa propre situation tactique.
Tout chef d’infanterie jusqu’au niveau du chef de groupe disposera également d’un système d’information terminal (SIT) lui permettant de s’inscrire comme le maillon de base de la numérisation de l’espace de bataille. Intuitif, simple d’emploi et surtout équipé de la même interface graphique que le SIT de dotation de son véhicule de combat le SIT combattant débarqué apportera une indéniable plus value informationnelle (localisation et navigation conjuguées à un partage de situation tactique). Cet apport informationnel devra néanmoins faire l’objet d’une gestion sélective afin de ne constituer ni une rupture ni une entrave à la manœuvre débarquée. Il s’agit bien là d’un réel challenge pour les chefs d’infanterie.
La numérisation de l’espace de bataille impactera les unités d’infanterie. Chaque chef de section possédera un SIT combattant débarqué, chaque engin sera également équipé d’un SIT. Cette révolution apportera sous réserve d’une utilisation raisonnée et adaptée de ces moyens une réelle plus-value informationnelle aux unités d’infanterie.
Etape intermédiaire entre le modèle organisationnel ADT 2008 et le projet 2015 déjà tourné vers l’approche capacitaire, le début de la décennie 2010 offrira déjà une bonne vision de ce que pourrait être l’infanterie du futur. Disposant de technologies modernes utilisées à des fins d’optimisation et de haute performance des différents systèmes elle combinera à son profit les effets de la coopération interarmes et des fonctions d’environnement mais s’articulera principalement et toujours autour de ses hommes. La vocation ultime de notre infanterie restera bien le combat de choc pour prendre l’ascendant sur l’adversaire, emporter la décision puis tenir le terrain dans la durée. Toute approche visant à tenter de gagner des effectifs débarqués sous couvert d’avancées technologiques pourrait s’avérer périlleuse.